Notre guide Alain, qui n’est plus un tout jeune homme, s’adapte fort bien à notre retard et nous fait arpenter et découvrir cette ville riche en histoire et en monuments.
Après avoir traversé une grande esplanade de la ville moderne ( sur un côté une église Art Déco de 1936 : Notre-Dame de Lourdes ) nous arrivons devant la tour Jacquemart qui était l’ancienne porte des remparts du XIIe siècle. Au sommet un automate frappe avec un marteau les heures sur une grosse cloche ; son costume a changé au cours des siècles mais il a gardé l’uniforme des soldats de la révolution.
Nous descendons la rue Jacquemart dont certaines façades témoignent de la prospérité de la ville au XIVe et XVe : les étages avec fenêtres à meneaux et vestiges des arcades de boutiques au rez-de-chaussée. La ville était sous les ordres des chanoines pendant plusieurs siècles ; ils avaient des droits de taxes sur la viande et quelques noms de rues et de places rappellent ce passé : rue de l’escosserie à côté de la place de la viande…..
Les tanneries étaient installées au bord de l’Isère, cela explique le développement du travail des peaux qui amènera quelques siècles plus tard Romans…..à la chaussure ! Dans certaines rues nous apercevons encore les maisons de tanneurs avec leurs balustrades en bois pour faire sécher les peaux.
Nous découvrons aussi quelques demeures renaissances avec cours et galeries, escaliers à vis, construites après le retour d’Italie de François Ier.
Enfin nous arrivons devant l’imposante collégiale St Barnard, érigée au XIIème siècle sur la rive droite de l’Isère. Eglise romane à ses débuts, édifiée par Barnard, archevêque de Vienne, elle fut rehaussée et agrandie à l’époque gothique : une nef unique s’élève à 24 m vers une voûte en croisées d’ogives ; des chapiteaux romans, des vitraux contemporains… Dans le chœur des peintures murales du XIVème sont encore très visibles avec motifs géométriques et personnages.
Au sud de la nef, une chapelle gothique abrite un trésor du patrimoine romanais : la tenture brodée du Mystère de la Passion, datée du XVIème siècle, qui se présente sur plusieurs panneaux (certains manquent). On peut admirer la finesse de la broderie et le détail des scènes sur les quatre présents.
Puis, toujours au pas de course, nous allons au Musée de la chaussure, installé dans l’ancien couvent de La Visitation, dont la construction s’étale du XVIIème au XIXème. Très beau bâtiment dans lequel nous entrons en traversant l’immense cloître, agrémenté de jardins à la française …et marchons à travers couloirs et cellules monacales où nous est présenté l’histoire de la chaussure depuis l’antiquité, Assyrie, Perse, Egypte, en passant par la Chine...
Nous apprenons que la grand-mère de la semelle-bride vient d’Egypte et que les celtes apportent la boucle qui permet... la sandale ! La poulaine fait son apparition au XIème siècle et la hauteur de la pointe donnait le rang de celui qui la portait. Le talon apparaît au XVIème siècle mais il faut attendre le XVIIIème pour inventer la lamelle métallique qui permettra de le tenir. Terminons la visite par l’exposition temporaire : La chaussure une passion française : création et innovation depuis 150 ans. Nous reconnaissons les modèles portés ces dernières décennies et admirons les créations actuelles. C’est au début du XXème siècle que l’industrie de la chaussure est devenu l’emblème de la ville avec un développement formidable jusqu’à la guerre de 1940 : Guillen, début du XXème fut un grand nom de chaussure de femme.
Dès les années cinquante, les grands noms de la chaussure, tel Jourdan, font revivre Romans et son industrie. La région compte encore 3000 emplois dans le cuir et la chaussure dont 350 à Romans. Quelques chiffres nous étaient donnés au Musée : 20 pièces composent en moyenne une chaussure, 950.000 paires vendues par jour en France, 24 millions de paires produites en France. En quittant ce Musée nous n’avons qu’une envie c’est de revenir pour détailler et admirer cette immense collection que nous avons survolée !
Et toujours d’un pas rapide, nous partons à la recherche du restaurant La Meridiana, où l’on nous attend pour 12h15. Eh oui, tout est minuté ! Le repas est correct et copieux, certains dégustent les ravioles et la fameuse pogne nous est proposée au dessert.
Mais bien sur, nous devons encore nous presser, pour rejoindre Saint-Antoine l’Abbaye, situé à 24 km de Romans ; une route qui traverse la verte campagne nous conduit au bas du village étagé et nous découvrons l’imposante abbaye gothique, bâtie au sommet comme pour veiller sur lui.
Nous montons et franchissons la porte qui nous amène devant le parvis où nous retrouvons notre guide. Devant une imposante façade gothique elle nous donne un bref historique du village. Saint Antoine du Désert ou St Antoine l’Egyptien est né en 251 après J.C. en Egypte, dans une famille copte ; il devient orphelin à 18 ans et part vivre en ermite dans le désert ; il subit les tentations du diable comme Jésus (une fresque dans l’abbaye détaille son combat) sa renommée se propage et il a de nombreux disciples, il accomplit des miracles et devient le Père des Moines d’Orient. Après sa mort son corps transporté plusieurs fois, arrive à Constantinople au VIIIème siècle. Selon la légende les reliques de St Antoine sont ramenées vers 1070 dans le Dauphiné par Jocelyn GEILIN, seigneur local, lors de son retour de pèlerinage en Terre Sainte. Elles sont déposées dans le village de La Mottes-aux-Bois qui prend alors le nom de Saint-Antoine.
Mais pour ces reliques, il faut une chapelle ; des Bénédictins sont là pour surveiller la construction et accueillir les pèlerins et les malades qui arrivent. Ces hospitaliers deviennent Chanoines et l’ordre des Antonins est crée en 1297. Il devint puissant et rayonna sur toute l’Europe. Ici, ils gèrent les hôpitaux qui s’agrandissent pour soigner, entre autre, « le mal des ardents « maladie la plus répandue : elle est due à l’ergot de seigle qui empoisonne le sang.. le corps se gangrène et donne des mutilations terribles. Les chanoines découvrent les bienfaits de la viande de porc et de la graisse pour soigner et guérir : la viande pour nourrir et la graisse pour mettre sur les plaies ; grand rayonnement au XIV et XVème siècle.
Le déclin commence pendant les guerres de religion au XVIème siècle. Au XVIIIème siècle peu de vocations et moins de malades. En 1792, extinction de l’ordre. Plusieurs bâtiments sont vendus. Mais Prosper Mérimée (le 1er ministre de la culture) classe l’église Monument Historique et arrête ainsi le pillage.
Nous pénétrons dans la grande nef immense, haute de 22 mètres, bordée de 17 chapelles latérales qui étaient toutes peintes : l’une présente les tentations de St Antoine, et aussi un Christ en croix asexué, Marie et Jean sont assis par terre. L’on voit aussi St Antoine avec ses attributs : la canne en forme de T, la clochette, le cochon à ses pieds, le livre, et le feu sous les pieds.
Dans la sacristie, visite du trésor important malgré les pillages au cours des siècles : des antiphonaires en excellent état, des portes reliques en forme de bustes, un Christ en ivoire sculpté, des tapisseries d’Aubusson, des boiseries superbes et un chapier ( meuble rare pour étendre les vêtements liturgiques ).
Nous sortons pour descendre les ruelles étroites, à demi couvertes ; près de l’abbaye nous voyons de belles façades, percées de fenêtres à meneaux tandis que vers le bas du village, les maisons sont plus simples, à colombages ou sont aussi d’anciennes échoppes. Les tanneurs, les tailleurs de pierre s’installaient en bas vers le ruisseau. Nous terminons par une rapide visite du musée installé dans l’ancien noviciat du XVIIème et XVIIIème : deux étages d’exposition permanente sur l’histoire du monachisme et la vie de St Antoine : très documenté mais survolé ce jour !
Un bar installé sur l’esplanade, ancien lieu de processions, nous accueille pour faire les comptes et c’est sous la pluie que nous repartons.
Une fois encore cette journée fut riche de découvertes.
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